1% artistique : " Marquer de son empreinte " - Hôtel de Police de Beauvais

Publié le 9 Juin 2013

Architecte : Agence Tandem+ / Maître d'ouvrage : Ministère de l'Intérieur.

1% artistique : " Marquer de son empreinte "  -  Hôtel de Police de Beauvais

Pour ce 1% artistique réalisé dans le cadre de la construction du nouvel Hôtel de Police de Beauvais ; j’ai développé un travail graphique spécifique, destiné à la surface vitrée du mur rideau du hall d’entrée du bâtiment, à partir de l’empreinte digitale surdimensionné de mon pouce droit.

Le motif de l’empreinte est ici traité avec un aspect miroir sur les deux faces du verre (dépôt de couche d'oxyde métallique précieux réalisé par l'entreprise V2S). Ainsi l’espace environnant vient à se refléter dans le motif traité en miroir alors que le reste du verre garde sa qualité de transparence, créant un jeu entre l'extérieur et l'intérieur du bâtiment.

Implantation générale du mur rideau (784 X 549 cm) / détail verre n° 25

Implantation générale du mur rideau (784 X 549 cm) / détail verre n° 25

Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013
Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013

Montage du mur rideau par l'entreprise MAP / mercredi 12 juin 2013

Quel est l’homme qui n’a pas rêvé marquer son époque en laissant son empreinte sur celle-ci ? D’aussi loin que remonte l’origine de l’humanité, l’homme a cherché à laisser une trace de son passage. Et c’est pourquoi l’on retrouve régulièrement et à différentes époques, les traces de mains d’anonymes ou non sur différents supports.

C’est cette même volonté de traverser le temps qui motive les artistes dans leurs soucis de produire des oeuvres qui deviendront pérennes. Et c’est cette même intention qui m’a animé dans ce choix de travailler à partir du dessin de mon empreinte.

Ainsi, cette volonté en tant qu’artiste de “Marquer de son empreinte “ physiquement un bâtiment publique qui n’est autre qu’un Hôtel de Police, revêt ici un caractère tout particulier de par la nature et la fonction du bâtiment lui-même.

Différentes vues du 1% artistique (Photos : Irwin Leullier)

Différentes vues du 1% artistique (Photos : Irwin Leullier)

Marquer de son empreinte

L’identification par le biais des empreintes digitales remonte à la plus haute antiquité. Les potiers babyloniens, il y a plus de six mille ans, signaient déjà leur œuvres en y imprimant la marque d’un de leurs doigts. Dans les temps modernes, au XVIIe siècle, l’humaniste hollandais Govert Bidloo a été un des premiers à réaliser des dessins d’empreintes digitales, à mi-chemin entre œuvres d’art et planches d’anatomie. Alphonse Bertillon, au début du XXe siècle, impose la dactyloscopie en criminologie, technique qui perdure malgré la place croissante prise par les empreintes génétiques. L’œuvre Marquer de son empreinte d’Olivier Michel se situe à l’intersection de ces trois types de considérations. Elle est signature, elle est œuvre d’art et elle est dactylogramme. Cette triple lecture est mise en abîme, en sens inverse, pour qui aborde le nouvel Hôtel de police de Beauvais.

À distance, le visiteur reconnaît le bâtiment, dont la fonction de service public est clairement identifiée. Son caractère fonctionnel est évident, tout comme l’est son intégration dans son environnement immédiat. Le dactylogramme renforce ou confirme, pour qui ne saurait pas lire, l’idée que nous sommes bien dans un lieu où la dactyloscopie fait partie de l’attirail des techniques utilisées.

En se rapprochant, le dessin s’impose comme œuvre d’art, dans une ambiguïté subtile, résultant de l’alternance des zones transparentes et réfléchissantes du support. On y lit la forme de l’empreinte digitale de l’artiste, démesurément agrandie, quadrillée par une ossature métallique qui évoque le rôle des barlotières dans les vitraux. Le subjectile transparent et réfléchissant permet de deviner, de façon indistincte, ce qui se passe à l’intérieur du bâtiment mais reflète aussi le monde extérieur. Trois niveaux d’images se superposent donc, transformant la paroi en membrane semi-perméable. Marquer de son empreinte matérialise ainsi cet inframince, cher à Duchamp, cette limite, plus ou moins palpable, entre un dehors et un dedans. Chez Olivier Michel, elle a une évidente matérialité, également physique – on se casse le nez si l’on veut traverser le mur-rideau – et psychique – l’image de l’empreinte impose sa présence –.

Plus près du verre, le visiteur ne perçoit plus la structure globale du dessin. Il ignore aussi qu’il s’agit d’une forme d’appropriation des lieux par l’artiste, en ce que c’est sa propre empreinte digitale qui marque le bâtiment. En revanche, entre les stries, au cœur des minuties, l’observateur découvre tout un univers qui est la signature unique, inimitable, d’Olivier Michel. Son dessin, sinueux et obsessionnel, évoque les processus de développement cellulaires ou cristallographiques, la structure d’un dépôt de givre sur une vitre, avec leurs défauts, leurs aléas, qui modifient la multiplication du schème générateur. À Beauvais, le motif répliqué appartient plutôt à l’univers cellulaire, végétal ou animal, dont les règles de croissance auraient été dictées par un ADN entièrement défini par l’artiste. Les replis de l’empreinte digitale révèlent ainsi des empreintes génétiques : une étonnante mise en perspective de l’évolution des techniques de la criminologie. Plus il observe les motifs, plus le spectateur est incité à se demander s’il n’y a pas quelques chose à découvrir plus en avant, en pénétrant dans les interstices de ces sinuosités vermiculaires. Nouvelle mise en abîme, dans un vortex absorbant qui fait penser aux homothéties des figures fractales.

On le voit, Marquer de son empreinte n’a rien d’anecdotique ni d’accidentel. Ce n’est pas, non plus, une œuvre de circonstance. Son intégration au bâtiment répond à des exigences formelles et conceptuelles, strictes et réfléchies, qui ne doivent rien au hasard ni aux caprices d’une inspiration artistique délirante. Elle pousse quiconque approche l’Hôtel de police de Beauvais à s’arrêter devant ce miroir simultanément présent et fuyant, solide pour le corps et perméable au regard, personnel et universel, sécurisant pour la personne physique mais aspirant son esprit dans une vertigineuse spirale… Que demander de plus à une œuvre d’art destinée à l’espace public ?

Louis Doucet, septembre 2013

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